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Gaz lacrymogène: Montpellier suffoque

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Gaz lacrymogène: Montpellier suffoque

4 AVRIL 2019 PAR XAVIER MALAFOSSE ET BENJAMIN TÉOULE (LE D’OC)

Au lendemain de l’acte XIX des « gilets jaunes », samedi 23 mars, plusieurs manifestants ont constaté des problèmes de santé liés à l’utilisation massive et répétée du gaz lacrymogène. Les forces de l’ordre commencent, elles aussi, à relever quelques symptômes. Ne s’agit-il pas plus d’un problème de santé publique que de maintien de l’ordre ?

« On est plus chaud ! Plus chaud ! Plus chaud qu’le lacrymo ! » Ce slogan entendu quasiment chaque samedi dans le cortège des « gilets jaunes » symbolise la volonté de ne pas se retirer des rues du centre-ville de Montpellier, malgré la volonté des forces de l’ordre de disperser les manifestants. Mais les contestataires pourraient bien déchanter.

En effet, ces deux dernières semaines, pour la première fois depuis le début du mouvement, un nombre important d’entre eux se plaint de la dégradation de leur santé. Les témoignages sont nombreux et les symptômes vont tous dans le même sens : fatigues chroniques anormales, difficultés respiratoires, saignements du nez, céphalées, pics de tension, diarrhées et nausées.  

Une boucle Telegram, application de messagerie sécurisée, a été ouverte par Christophe, membre de la cellule communication au sein de l’assemblée des gilets jaunes de Montpellier, afin de recueillir ces témoignages. « J’ai des essoufflements au moindre effort. J’ai la sensation d’étouffement. Mon amplitude respiratoire est diminuée », écrit Hamida. « Les nuits sont difficiles. J’ai un gros mal de gorge, ma toux est douloureuse et j’ai mal aux poumons », peut-on lire également. Ou encore : « Je suis HS ! Je tousse grave et crache très jaune, j’ai la gorge irritée. » Des personnes, jusque-là non diagnostiquées comme asthmatiques, auraient même été prises de crises d’asthme. 

Une nuée de gaz lacrymogène rue Foch, à Montpellier. © Xavier Malafosse

Une nuée de gaz lacrymogène rue Foch, à Montpellier. © Xavier Malafosse

  • « La dose de trop »

Le 23 mars, Maria, aide-soignante de Frontignan et volontaire chez les street medics, s’est déplacée dans la capitale héraultaise pour participer à l’acte XIX, un rassemblement régional réunissant un peu plus de 4 000 manifestants. Trois jours après, elle constatait subir encore d’importantes séquelles.

« J’ai les yeux qui brûlent. Pendant plusieurs jours, je ne pouvais pas sortir dehors sans protections solaires, lunettes et casquette. J’ai eu une inflammation de la sphère ORL. C’est la première fois qu’il m’arrive d’avoir de tels encombrements après une manifestation, explique-t-elle au D’Oc. Pour moi, ce samedi-là, la quantité de gaz reçue n’avait rien à voir avec les week-ends précédents. Ça m’a brûlé la peau. Je suis allée aux urgences car c’était la dose de trop. Puis, j’ai consulté mon médecin généraliste, et été mise sous cortisone. » Choquée, elle n’a pas souhaité revenir arpenter les rues de Montpellier pour l’acte XX.

De son côté, Fabienne, infirmière libérale, se sent « dans un état grippal »« les jambes sciées ». Elle ressent ces symptômes depuis l’acte XVIII de Paris, auquel elle a participé. Mais Fabienne ne comprend pas, se considérant d’ordinaire en bonne forme : « J’ai tout de même réalisé la marche citoyenne pour le RIC, en février, qui partait du Grau-du-Roi [dans le Gard – ndlr] pour rejoindre la capitale. »

Mêmes anomalies pour Kevin, de Narbonne, après sa mobilisation à Montpellier pour l’acte XIX : « Pendant deux ou trois jours, j’ai saigné du nez. J’ai encore des maux de tête, je suis essoufflé comme si je venais de fumer quatre paquets de clopes d’un coup. »

Un autre gilet jaune de l’Aude raconte au D’Oc avoir eu des séquelles inédites après la manifestation du 23 mars. « Le dimanche, j’étais anormalement fatigué, j’ai eu des troubles de l’élocution, des oublis injustifiés, se souvient Ludovic, fonctionnaire territorial. Le lundi, je suis parti aux urgences. On m’a dit que mon état était semblable à celui d’une personne qui consommait des psychotropes. Puis, au fil des jours, c’est passé. »

On trouve également d’autres récits sur les réseaux sociaux. La situation inquiète la Ligue des droits de l’homme (LDH) de Montpellier, d’autant que l’une de ses observatrices a, elle aussi, subi d’étonnants troubles après la journée du 23 mars. Son docteur explique constater « une exacerbation sévère d’asthme suite à un syndrome d’irritation bronchique ».

Deux jours après l’acte XX du 30 mars, le médecin écrivait que la patiente « exposée à plusieurs reprises à des gaz lacrymogènes à l’origine de crises d’asthme sévères » avait « un bilan fonctionnel très altéré avec un VEMS [volume expiratoire maximal par seconde – ndlr] à 1.441, soit 54 % de la valeur théorique, distension et hyperinflation. La patiente présente des symptômes pluri-quotidiens. Je propose une corticothérapie orale progressivement décroissante sur 7 jours » et recommande « des nébulisations de Ventoline » ainsi qu’un « scanner thoracique ».

Plusieurs journalistes montpelliérains, habitués à couvrir les manifestations, ont également ressenti l’intensité plus forte du gaz lacrymogène, le quotidien Midi Libre s’en étant même fait l’écho lundi dernier. La LDH prend le sujet très au sérieux : samedi, devant la préfecture de l’Hérault, ses représentants ont d’ailleurs lancé un appel à témoignages pour mesurer l’ampleur du phénomène. 

  • Les forces de l’ordre dans le doute

Ces derniers samedis, les tirs de gaz lacrymogène partent tous azimuts, que ce soit dans les petites ruelles médiévales de l’Écusson ou sur la vaste place de la Comédie. Il n’est pas rare que les forces de l’ordre se retrouvent elles-mêmes au milieu des nuages de gaz.

« De plus en plus de collègues sont incommodés, confirme au D’Oc Christophe Miette, responsable syndical des cadres de la sécurité intérieure (SCSI) pour la zone Occitanie. Ces dernières semaines, les cartouches contiennent plus de galettes. Il existe différentes sortes de grenades dont la teneur en Cs varie entre 7 % et 15 %. Chaque organisation fonctionne avec ses propres méthodes de lancer. »

Christophe Miette affirme que « le stock de grenades a été renouvelé en 2015 et a une durée de validité de 20 ans ». Selon lui, « la composition du gaz n’a pas été modifiée ». Néanmoins, l’augmentation du dosage n’est pas sans conséquences. D’après lui, « il y a plus de particules qui flottent dans l’air, et donc, beaucoup plus qui s’imprègnent sur la peau et les vêtements. L’idéal serait de se mettre nu, de se laver et de changer ses vêtements rapidement ».

Le constat est aussi partagé par Yann Bastière, délégué syndical de l’unité SGP Police FO à Montpellier. « Plusieurs collègues ont des problèmes cutanés et oculaires, dus à un matériel de protection inadapté », note-t-il auprès du D’Oc. Il relève « quelques arrêts maladie dont la cause serait aussi à mettre en perspective avec les risques psychosociaux liés à une sollicitation permanente depuis quatre mois ».

Dans cette période agitée, le suivi médical des fonctionnaires de police n’a pourtant pas été renforcé. Et Yann Bastière admet volontiers que recevoir du gaz lacrymogène tous les samedis depuis environ 15 semaines est « une situation inédite ». Il y a peu de rotation chez les effectifs, « par exemple, les mêmes hommes de la compagnie départementale d’intervention sont sur le terrain trois samedis sur quatre ».

Avec des conséquences pour tout le monde, y compris commerçants, touristes, passants, personnes âgées ou vulnérables, parents avec poussettes et bambins. Car le gaz lacrymogène est une arme non létale mais imprécise. Elle ne cible personne en particulier, et son usage semble souvent répété et disproportionné.

  • La France, pays pilote

Si la Convention de Genève sur les armes chimiques (1993) interdit l’emploi des gaz lacrymogènes en temps de guerre, paradoxalement, il est autorisé dans le maintien de l’ordre. La France, pays pilote dans l’utilisation du gaz, en a fait sa doctrine. Un usage qui tend à se banaliser.

Plus de 10 000 grenades auraient été tirées à Notre-Dame-des-Landes en dix jours, tandis qu’un brigadier-chef reconnaît dans Le Figaro que sa compagnie de CRS en a tiré plus d’un millier lors de la troisième journée de mobilisation des gilets jaunes à Paris, lors des incidents autour des Champs-Élysées (au total, il y en avait eu 5 000 la semaine précédente dans la capitale).

Pourtant, les études sur sa composition restent opaques et les conséquences sur l’être humain se révèlent encore approximatives. Ces effets, d’ordinaire instantanés, peuvent être renforcés chez les enfants, les femmes enceintes et les personnes souffrant d’asthme ou de problèmes bronchiques, comme le rapporte le journal Regards.

Le 15 mars 2018, le média indépendant en ligne Reporterre a rappelé que le Défenseur des droits avait relevé dans un rapport que « la police allemande n’utilise pas de gaz lacrymogène, considérant que des personnes non agressives ou non violentes pourraient en subir les effets indûment ». En 2014, une ONG a recensé 39 morts à Bahreïn après l’emploi de gaz lacrymogène par le régime, lors du soulèvement de sa population. La Corée du Sud, mais aussi la France, ont dû stopper l’exportation de cette arme chimique.

GJ Magazine – LCI se réveille

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Intoxication au cyanure, LCI se réveille ! (Màj)

5 avril 20190 réaction 8408 SociétéVictimes

10/4/19
Les officiciers et commissaires de police utilisent l’article de LCI à la vidéo de Fly Rider

Officiers et Commissaires de police@PoliceSCSI

Un peu de lecture pour ⁦@FlyRiderGj⁩ , les professeurs de chimie en herbe, les diffuseurs de #fakenews.#FDO #lacrymogène #cyanure
Gilets jaunes : des manifestants ont-ils pu être intoxiqués au cyanure ? – LCI https://www.lci.fr/population/fact-check-gilets-jaunes-des-manifestants-ont-ils-pu-etre-intoxiques-au-cyanure-2117244.html …8220:05 – 10 avr. 2019Informations sur les Publicités Twitter et confidentialitéGilets jaunes : des manifestants ont-ils pu être intoxiqués au cyanure ?#Population : À LA LOUPE – Sur les réseaux sociaux, de nombreux Gilets jaunes se montrent inquiets. Ils craignent que les gaz lacrymogènes lancés lors des manifestations ne causent des intoxications…lci.fr89 personnes parlent à ce sujet

https://youtu.be/AR1FGTq6ZP8

Officiers et Commissaires de police@PoliceSCSI · 10 avr. 2019

Un peu de lecture pour ⁦@FlyRiderGj⁩ , les professeurs de chimie en herbe, les diffuseurs de #fakenews.#FDO #lacrymogène #cyanure
Gilets jaunes : des manifestants ont-ils pu être intoxiqués au cyanure ? – LCI https://www.lci.fr/population/fact-check-gilets-jaunes-des-manifestants-ont-ils-pu-etre-intoxiques-au-cyanure-2117244.html …Gilets jaunes : des manifestants ont-ils pu être intoxiqués au cyanure ?#Population : À LA LOUPE – Sur les réseaux sociaux, de nombreux Gilets jaunes se montrent inquiets. Ils craignent que les gaz lacrymogènes lancés lors des manifestations ne causent des intoxications…lci.fr

V for Vendetta@HHoneur123:56 – 10 avr. 2019Informations sur les Publicités Twitter et confidentialité

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5/04/19

Nous vous avions alerté au mois de Mars au sujet de plusieurs intoxications, voir notre article …

Des gilets jaunes intoxiqués au cyanure ?

LCI semble se reveiller

Depuis plusieurs semaines, les craintes se font de plus en plus fortes dans les rangs de Gilets jaunes : les gaz lacrymogènes contiendraient du cyanure et plusieurs manifestants auraient été intoxiqués. Des messages alarmants sont régulièrement postés sur les groupes Facebook du mouvement. Créé le 16 mars, le groupe « SOS ONU OFFICIEL Appel à Témoins Violences Policières GJ » récolte, comme son nom l’indique, tous les témoignages possibles sur les violences commises par des forces de l’ordre, en vue de déposer un dossier auprès des Nations Unies. Les potentielles intoxications au cyanure en font partie. Le 1er avril, les administrateurs assurent avoir une preuve. Ils postent les résultats d’un test sanguin sur le réseau social, avec pour commentaire : « Analyses CYANURE POSITIF !! »

Info Dénichée sur lci.fr à lire en intégralité en cliquant ici. Votre avis est important, exprimez-vous. (Commentaire apprécié)

LCI

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e danger des gaz lacrymogènes vient plus de leur effet irritant que de potentielles traces de cyanure

COPIERTaille : x pxPopulationÀ LA LOUPE – Maxime Nicolle, l’une des figures des Gilets jaunes, assure dans un live sur le réseau social Facebook que le gaz CS, composant des lacrymo lancées en manifestations, peut conduire à une intoxication au cyanure. Après un premier article sur le sujet, À La Loupe s’est intéressé aux nouveaux arguments avancés.11 avr. 2019 23:39 – Claire Cambier

Mardi 9 avril, dans la soirée, Maxime Nicolle s’adresse à ses nombreux abonnés pour parler des gaz lacrymogènes. Il y assure avoir été mis en contact avec un docteur en biologie moléculaire et explique, composition chimique à l’appui, comment ces gaz, une fois ingérés par le corps humain, se transforment en cyanure. « LCI ou je ne sais pas quelle chaîne de télévision » se serait donc trompé ou plutôt « ne s’était pas renseigné sur le sujet et sous-estimait les effets », avance-t-il.

À La Loupe s’était effectivement intéressé à ce sujet dans un article intitulé « Gilets jaunes : des manifestants ont-ils pu être intoxiqués au cyanure ? » et étayé par une toxicologue du Centre-antipoison du CHU d’Angers et un professeur de chimie organique à l’université de Caen. Aurions-nous mal interprété les propos de ces scientifiques ? Une intoxication au cyanure serait-elle possible, contrairement à ce que nous avancions ? Nous avons tâché de le découvrir. 

Le Gilet jaune breton se repose sur les recherches du groupe SOS ONU, un collectif qui dénonce les violences policières lors des manifestations et tente, entre autres, de recueillir des preuves d’intoxications au cyanure. Ce même groupe avait mis en ligne début avril, pour prouver son argumentaire, l’analyse de sang d’une manifestante mesurant les thiocyanates sériques. Nous l’avions soumis à une toxicologue dans le cadre de notre premier article. Les taux de thiocyanates présents dans le sang (15,9 mg/L), soit ce en quoi notre foie transforme et élimine le cyanure, correspondaient à ceux d’une personne fumeuse, ce que nous avait confirmé être, et régulièrement, la manifestante.

Mardi 9 avril, SOS ONU a posté une nouvelle analyse mesurant les thiocyanates, cette fois dans les urines, d’une personne « sportive, non fumeuse » qui avait manifesté le 16 mars à Paris. Elle présente un taux de 31,4 mg/L quand le taux moyen pour un non fumeur ne devrait pas dépasser les 10 mg/L. Plutôt étonnant. Nous avons donc pris contact avec le Dr François Parant du laboratoire de biologie médicales du CHU de Lyon, qui a – selon le bilan sanguin présenté – validé les résultats. Ce dernier nous assure que le document est bien véridique et n’a pas été falsifié. 

Dans un cas spécifique d’inhalation de cyanure, il faudrait en réalité s’intéresser à d’autres marqueurs (que les thiocyanates).Dr Marie Deguigne, centre anti-poison du CHU d’Angers

Comment expliquer alors ces taux ? Maxime Nicolle affirme que le CS (ou 2-chlorobenzylidene malononitrile ) – qui est le composant des gaz lacrymogènes utilisés par les forces de l’ordre – se dégrade en cyanure dans le corps humain. Il liste à ce propos, en commentaire de sa vidéo, plusieurs études scientifiques allant dans ce sens. Problème : chacune d’entre elles porte sur des rats ou des souris. En est-il de même pour l’homme ?

Interrogé, le Pr Parant avoue ne pas pouvoir nous répondre. « Personne n’en sait rien », nous confie-t-il. Il nous indique également que les analyses effectuées (les taux de thiocyanates dans le sang ou les urines) ne sont en tout cas pas la meilleure méthode pour le vérifier. « Nous utilisons des méthodes colorimétriques, qui ne sont pas spécifiques ». Autrement dit, qui ne permettent pas de cibler précisément les taux de cyanure. « On se trompe de marqueurs ».

Sa consœur, Marie Deguigne, du centre de toxicologie du CHU d’Angers (que nous avions contacté pour le premier article) le rejoint là-dessus. « Les méthodes colorimétriques présentent beaucoup d’interférences », nous dit-elle. « Dans un cas spécifique d’inhalation de cyanure, il faudrait en réalité s’intéresser à d’autres marqueurs. Si je suspectais un tel cas, je mesurerais les cyanures sanguins, tout simplement. » Le problème repose sur le délai : « Il faut le faire rapidement, le jour même. »

Cela n’explique pas pour autant les taux élevés de thiocyanates de la manifestante non fumeuse. Une théorie existe : ces taux ne proviendraient pas des gaz lacrymogènes mais plutôt des fumées d’incendie. Lors de la manifestation du 16 mars à Paris, de nombreux bâtiments, kiosques à journaux et barricades ont été incendiés. « Dans les fumées d’incendie, il y a effectivement du monoxyde de carbone et du cyanure », nous explique Dr Deguigne. « Les matières plastiques et les tissus qui brûlent dégagent un peu de cyanure. Les personnes exposées peuvent être intoxiquées, c’est une hypothèse pertinente. »

« On ne peut pas tout transposer de l’animal à l’homme »

Malgré cette hypothèse, le Dr Parant nous glisse tout de même la fiche toxico écotoxico chimique du  2-chlorobenzylidene malononitrile effectuée par l’association ATC. On y lit que « la Toxicité aigüe, par atteinte du système nerveux central et du cœur serait due, après métabolisation, à la formation d’Anion cyanure. » Une étude sérieuse ? Son auteur n’étant autre que le Dr André Picot, une référence en toxicologie-chimie, il semble donc que oui.

Contacté par LCI, l’expert nous indique que ces données proviennent d’études effectuées sur des animaux et non sur l’homme, encore une fois. « C’est un indice », nous dit-il. « Mais il faut être prudent, c’est très complexe, on ne peut pas tout transposer de l’animal à l’homme. Par exemple, des produits peuvent donner des cancers chez l’homme et pas chez des animaux et inversement. »

Pour le Dr Beguigne, les doses injectées dans les animaux dans les différentes études empêchent de dresser le moindre parallèle avec le gaz lacrymogène : « Ça peut être troublant. Effectivement, quand on injecte du CS dans un animal, on retrouve du cyanure dans le sang mais ce sont des doses de CS massives et cela ne correspond absolument pas à ce que l’on observe quand une personne est exposée par voie inhalée dans l’atmosphère. Nous parlons là de doses 1000 fois plus importantes. » Elle reprend une récente étude effectuée sur des patients sains. Exposés pendant 90 minutes à des gaz lacrymogènes, aucun ne présentait ensuite de CS dans le sang et « encore moins de cyanure ».

« En toxicologie, dire qu’un produit est toxique ne veut pas dire grand-chose, tout dépend de la dose. Prenez de l’eau, ce n’est pas toxique mais si vous buvez 7 litres, vous êtes intoxiqués. »

Un doute qui n’est pas nouveau

Ce doute porté sur les gaz lacrymogènes n’est en réalité pas nouveau. Dans une étude citée par le groupe SOS sur les 76 membres d’une secte, mortes à Waco au Texas après l’intervention de la police, les auteurs posent cette même question, après que des traces de cyanure ont été retrouvées dans le corps des victimes. Impossible cependant d’avancer la thèse d’une intoxication au cyanure suite à une exposition aux gaz lacrymogènes. Un incendie massif a éclaté dans le bâtiment et l’intoxication s’expliquerait plutôt par les inhalations de fumées.

Le danger vient de son pouvoir irritant, pas du cyanure

Le CS reste cependant nocif à forte dose. Les gaz lacrymogènes ont un effet irritant, font tousser, piquent les yeux, provoquent parfois des nausées. « Le gaz va irriter les bronches et les efforts de toux peuvent provoquer des vomissements », détaille la toxicologue. « Et dans certains cas, quand vous inhalez, cela peut toucher également le conduit digestif ».

Les complications respiratoires peuvent intervenir sur des personnes fragiles (enfants, personnes asthmatiques) ou lorsqu’un « accident se produit et qu’une grenade est lancé dans une pièce fermée, sans aération. » poursuit Marie Deguigne. « Là, oui, il y a des risques sérieux. »

« Le danger vient de son pouvoir irritant », corrobore le Dr André Picot. « Cela peut conduire à des décès ». Il cite la « bible » de la toxicologie, Toxicologie clinique de Frédéric Baud et Robert Garnier : « Des décès ont été rapportés avec notamment une atteinte caustique de l’appareil respiratoire ». Que les manifestants se rassurent toutefois : « Les symptômes irritants sont produits à des concentrations au moins 2600 fois plus faibles que la concentration létale. Il existe donc pour le CS une marge de sécurité importante entre la concentration qui produit un effet incapacitant et la concentration qui cause des effets néfastes », rapporte l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), dans son Guide toxicologique.

Pour conclure, la Dr Deguigne tient à souligner : « Il faudrait injecter des doses énormes pour que  – peut-être – le CS se métabolise en cyanure, mais le patient mourrait d’un effet irritant pulmonaire avant d’être intoxiqué au cyanure ».

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Des tranchées de 1914 à Notre-Dame-des-Landes Gaz lacrymogène, des larmes en or

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Comme les manifestants français — ceux de Mai 68, mais aussi ceux qui se mobilisent pour la « zone à défendre » de Notre-Dame-des-Landes ou contre la sélection universitaire à Nanterre —, les protestataires du monde entier font une expérience commune : l’inhalation de gaz lacrymogène. En un siècle, cette arme présentée comme inoffensive s’est imposée comme l’outil universel du maintien de l’ordre.par Anna Feigenbaum Gaz lacrymogène, des larmes en or↑play

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Danielle Tunstall. — « Gas Mask » (Masque à gaz), vers 2000Creative Commons CC0 – pixabay.com

Contrairement à d’autres marchés, l’industrie du maintien de l’ordre ne craint ni les troubles sociaux ni les crises politiques — bien au contraire. Les révoltes du « printemps arabe » en 2011 et les manifestations qui ont ébranlé le monde ces dernières années ont fait exploser les ventes de gaz lacrymogène et d’équipements antiémeute. Carnets de commandes en main, les commerciaux sillonnent la planète. Des armées d’experts se tiennent à l’affût du moindre frémissement populaire pour conseiller fabricants et acheteurs sur les bonnes affaires du jour. Le gaz lacrymogène est sans conteste leur produit-vedette : universellement considéré par les gouvernements comme le remède le plus fiable et le plus indolore à la contestation sociale, comme une panacée contre le désordre, il ne connaît ni frontières ni concurrence.

Quels dommages cause-t-il à ses victimes ? Quels problèmes pose-t-il en matière de santé publique ? Nul ne le sait, car personne ne s’en soucie. Dans aucun pays il n’existe d’obligation légale de recenser le nombre de ses victimes. Aucune obligation non plus de fournir des données sur ses livraisons, ses usages, les profits qu’il génère ou sa toxicité pour l’environnement. Depuis presque un siècle, on nous répète qu’il ne fait de mal à personne, que ce n’est rien de plus qu’un nuage de fumée qui pique les yeux. Quand des gens en meurent — l’organisation Physicians for Human Rights a par exemple comptabilisé trente-quatre morts liées à l’usage de gaz lacrymogène lors des manifestations à Bahreïn en 2011-2012  (1) —, les pouvoirs publics rétorquent qu’il s’agit simplement d’accidents.

En réalité, le gaz lacrymogène n’est pas un gaz. Les composants chimiques qui produisent l’épanchement lacrymal — du latin lacrima, « larme » — portent les jolis noms de CS (2-chlorobenzylidène malonitrile), de CN (chloroacétophénone) et de CR (dibenzoxazépine). Ce sont des agents irritants que l’on peut conditionner aussi bien sous forme de vapeur que de gel ou de liquide. Leur combinaison est conçue pour affecter simultanément les cinq sens et infliger un trauma physique et psychologique. Les dégâts que le gaz lacrymogène occasionne sont nombreux : larmes, brûlures de la peau, troubles de la vue, mucosités nasales, irritations des narines et de la bouche, difficultés à déglutir, sécrétion de salive, compression des poumons, toux, sensation d’asphyxie, nausées, vomissements. Les « lacrymos » ont aussi été mis en cause dans des problèmes musculaires et respiratoires à long terme (2).

Une forme « humaine » de violence d’État

Le recours à l’arme chimique remonte au moins à l’Antiquité. Pendant la guerre du Péloponnèse, les belligérants utilisaient des gaz sulfureux contre les cités assiégées. Mais c’est au milieu du XIXe siècle que les progrès de la science ont lancé les débats éthiques sur son usage. Les premières tentatives de restreindre l’utilisation d’armes chimiques et biologiques remontent aux conférences de La Haye de 1899 et 1907, mais leur formulation ambiguë réduisit ces accords à peu de chose. La première guerre mondiale allait servir ensuite de laboratoire à ciel ouvert pour l’élaboration d’une nouvelle gamme de poisons.

Il est généralement admis que les troupes françaises ont inauguré le règne du lacrymogène lors de la bataille des frontières d’août 1914, en tirant dans les tranchées adverses des grenades remplies de bromacétate d’éthyle — une substance irritante et neutralisante, mais non létale à l’air libre. Les Allemands répliquèrent en avril 1915 par un produit infiniment plus mortel, le gaz moutarde, ou ypérite — le premier cas dans l’histoire d’usage massif d’une arme chimique au chlore.

D’abord distancés dans cette course à l’innovation, les Américains n’allaient pas tarder à rattraper leur retard. Le jour même de leur entrée en guerre, les États-Unis créent un comité de recherche « pour mener des investigations sur les gaz toxiques, leur fabrication et leurs antidotes à des fins de guerre (3 », mais aussi un service de la guerre chimique (Chemical Warfare Service, CWS), généreusement doté en moyens et en effectifs. En juillet 1918, le sujet monopolise l’attention de près de deux mille scientifiques.

Après le conflit, les militaires se montrent divisés. Ceux qui ont vu de leurs yeux les ravages causés par l’arme chimique dénoncent son caractère inhumain, aggravé par la peur et l’anxiété qu’elle propage. Les autres lui trouvent une certaine magnanimité, au motif qu’elle ferait moins de morts qu’un feu roulant d’artillerie. Un biochimiste de Cambridge, John Burdon Sanderson Haldane, plaide pour l’efficacité des gaz de guerre, taxant leurs détracteurs de sentimentalisme : si l’on peut « se battre avec une épée », pourquoi pas « avec du gaz moutarde » ?

Pour l’historien Jean Pascal Zanders, les controverses qui ont suivi la première guerre mondiale nous ont légué un double héritage (4). D’une part, elles ont consacré la distinction entre les « gaz toxiques » — dont on débattit autrefois à La Haye — et les nouvelles armes chimiques inventées entre 1914 et 1918. Ce distinguo réapparaîtra à maintes occasions dans les conventions internationales, légitimant que l’on interdise certaines armes pour en approuver d’autres, présentées comme non létales. C’est en vertu de ce raisonnement que le gaz lacrymogène a emprunté une voie légale plus favorable que d’autres agents toxiques. D’autre part, on prend alors très à cœur les intérêts commerciaux liés à l’expansion de l’industrie chimique. Brider sa créativité dans le domaine militaire lui porterait un préjudice insupportable — un argument toujours en vigueur un siècle plus tard. À partir du traité de Versailles (1919) et du protocole de Genève (1925), les intérêts économiques des puissances alliées vont ainsi se fondre dans le droit international. La page de la guerre étant tournée, maintenir la paix à l’intérieur de leurs frontières — et à l’extérieur, dans leurs dépendances coloniales — devient une priorité pour les Américains et les Européens. D’où leur intérêt croissant pour les gaz lacrymogènes, dont le CWS et son directeur, le général multimédaillé Amos Fries, seront les ardents pionniers.

Les années 1920 annoncent l’âge d’or du « lacrymo ». Capitalisant sur l’essor des armes chimiques durant la guerre, Amos Fries convertit ce venin en outil politique à usage quotidien. Grâce à un lobbying acharné, il parvient à modeler une nouvelle image du gaz lacrymogène, assimilé non plus à une arme toxique, mais à un moyen inoffensif de préserver l’ordre public. Flanqué d’un avocat et d’un officier, il rallie à sa cause un large réseau de publicitaires, de scientifiques et d’hommes politiques chargés de promouvoir dans les médias ces « gaz de guerre pour temps de paix ».

La presse économique se montre logiquement la plus empressée à diffuser le refrain du « gaz pour la paix ». Dans son numéro du 6 novembre 1921, la revue Gas Age-Record dresse un portrait extasié du général Fries. On peut y lire que le « chef dynamique » du CWS a « étudié de près la question de l’usage du gaz et des fumées pour affronter les foules et les sauvages. Il est sincèrement convaincu que lorsque les officiers de police et les administrateurs coloniaux seront familiarisés avec le gaz en tant que moyen de maintenir l’ordre et de protéger le pouvoir, les désordres sociaux et les insurrections sauvages diminueront jusqu’à disparaître totalement. (…) Les gaz lacrymogènes paraissent admirablement appropriés pour isoler l’individu de l’esprit de la foule. (…) L’un des avantages de cette forme adoucie de gaz de combat tient au fait que, dans son rapport à la foule, l’officier de police n’hésitera pas à s’en servir ».

Cet échantillon précoce d’argumentaire promotionnel tient en équilibre sur un fil étroit : vanter les vertus répressives du produit tout en célébrant son caractère indolore. L’engouement pour les gaz lacrymogènes sur un marché qui, jusque-là, ne connaissait que la matraque et le fusil doit beaucoup à cet art de réconcilier les antagonismes. Le gaz s’évapore. La police peut enfin disperser une manifestation avec « un minimum de publicité négative (5 », sans laisser dans son sillage du sang et des ecchymoses. Au lieu d’être perçu comme une forme de torture physique et psychologique, le « lacrymo » s’impose dans les esprits comme une forme « humaine » de violence d’État.

Outre leurs prestations à la radio et dans les journaux, le général et son équipe organisent des démonstrations publiques. Un beau jour de juillet 1921, un vieil ami et collègue de Fries, Stephen J. De La Noy, se poste avec une cargaison de gaz sur un terrain près du centre de Philadelphie. Afin d’illustrer les bienfaits de son arsenal, il a invité les policiers de la ville à tester la marchandise. Les journalistes viennent en nombre pour immortaliser la scène : deux cents agents en uniforme se faisant gazer en pleine figure.

Il faut attendre quelques années pour passer de l’expérimentation aux travaux pratiques. L’occasion se présente le 28 juillet 1932, quand la garde nationale reçoit l’ordre de disperser des milliers de vétérans de la première guerre mondiale rassemblés devant le Capitole, à Washington. Surnommés « l’armée bonus », ces anciens soldats occupent les lieux avec leurs familles pour exiger le paiement d’un reliquat de salaire que leur ministère rechigne à débloquer. Une pluie de grenades lacrymogènes s’abat sur la foule, provoquant un mouvement de panique. L’évacuation brutale se solde par quatre morts, cinquante-cinq blessés et une fausse couche. Parmi les victimes, un enfant mort quelques heures après l’assaut — officiellement des suites d’une maladie, mais le fait d’avoir respiré le gaz empoisonné « n’a sûrement pas aidé », dira un porte-parole de l’hôpital.

Chez les vétérans expulsés, le gaz lacrymogène est rebaptisé « ration Hoover », en référence au président Herbert Hoover (1929-1933), qui leur a envoyé la troupe ; par allusion aussi aux inégalités sociales qui se creusent dans le pays. Pour les chefs de la police, les industriels et leurs représentants, en revanche, l’opération a été un succès. Le service des ventes de Lake Erie Chemical, la société productrice du gaz utilisé au Capitole, se fait un plaisir d’inclure des clichés de l’évacuation sanglante dans son catalogue. Plus tard y figureront aussi des images de grévistes de l’Ohio et de Virginie détalant sous les nuages de gaz. « Un seul homme équipé de gaz Chemical Warfare peut mettre en fuite mille hommes en armes » : le slogan orne fièrement les plaquettes publicitaires. Le fabricant se vante de fournir une « explosion irrésistible de douleur aveuglante et suffocante », dont il garantit cependant qu’elle n’occasionne « aucune blessure durable » — toujours le marketing de l’équilibre. Durant la Grande Dépression, dans les années 1930, les États-Unis recourent de plus en plus aux gaz lacrymogènes pour étouffer la contestation sociale. Selon un comité du Sénat, les achats de gaz entre 1933 et 1937, effectués « principalement à l’occasion ou en prévision de mouvements de grève », se montent à 1,25 million de dollars (21 millions de dollars en valeur actuelle, ou 17 millions d’euros).

Autre débouché prometteur pour l’industrie de la « douleur aveuglante et suffocante » : les colonies. En novembre 1933, sir Arthur Wauchope, le Haut-Commissaire britannique en Palestine, réclame sa part du produit miracle. Dans un courrier au bureau des colonies, il plaide : « Je considère que le gaz lacrymogène serait un agent hautement utile entre les mains des forces de police en Palestine pour disperser les rassemblement illégaux et les foules émeutières, particulièrement dans les rues tortueuses et étroites des vieux quartiers de la ville, où l’usage d’armes à feu peut provoquer des ricochets conduisant à des pertes disproportionnées en vies humaines. »

Dispersion et démoralisation

Une demande similaire émane en 1935 de la Sierra Leone, où les administrateurs coloniaux sont confrontés à des grèves pour des augmentations de salaire. Puis c’est au tour de Ceylan, le futur Sri Lanka. Instruction est donnée au nouveau secrétaire d’État aux colonies britannique, Malcolm MacDonald, d’élaborer une politique globale du gaz lacrymogène. À cette fin, il dispose d’une liste recensant les lieux où cette arme a fait la preuve de son efficacité : en Allemagne, où elle a servi contre les grévistes de Hambourg en 1933 ; en Autriche, où elle a excellé contre les communistes en 1929 ; en Italie, où elle vient d’être incorporée à l’équipement de base des forces de l’ordre ; ou encore en France, où son usage est déjà banalisé.

Durant cette période, le gaz lacrymogène devient pour les États un moyen privilégié de faire obstacle aux demandes de changement. Sa fonction bifide, à la fois physique (dispersion) et psychologique (démoralisation), paraît idéale pour contenir les tentatives de résistance aux mesures impopulaires. Comme, de surcroît, on peut désormais gazer en toute légalité des manifestants pacifiques ou passifs, les autorités n’ont plus à s’inquiéter des luttes collectives non violentes. Le « lacrymo » s’est imposé comme une arme multifonction capable non seulement de stopper une manifestation, mais aussi de saper toute forme de désobéissance civile.

Cette fonction politique a perduré jusqu’à aujourd’hui. Alors que l’usage de toutes les armes chimiques est interdit par les traités internationaux dans le cadre des guerres, les forces de l’ordre restent, au niveau national, plus que jamais autorisées à déployer du gaz toxique sur les individus ou les cortèges de leur choix. Un policier peut ainsi arborer un atomiseur de gaz lacrymogène à sa ceinture, tandis qu’un militaire n’en a pas le droit. L’acceptation quasi unanime de cette incohérence contribue pour beaucoup à la florissante prospérité de l’industrie du maintien de l’ordre — et aux larmes des contestataires du monde entier.

Anna FeigenbaumChercheuse à l’université de Bournemouth (Royaume-Uni). Auteure de Tear Gas. From the Battlefields of World War I to the Streets of Today, Verso, Londres, 2017.

(1) « Tear gas or lethal gas ? Bahrain’s death toll mounts to 34 », Physicians for Human Rights, New York, 16 mars 2012.

(2) « Facts about riot control agents », Centers for Disease Control and Prevention, Atlanta, 21 mars 2013.

(3) Cité dans Gerard J. Fitzgerald, « Chemical warfare and medical response during World War I », American Journal of Public Health, no 98, Washington, DC, avril 2008.

(4) Jean Pascal Zanders, « The road to Geneva », dans Innocence Slaughtered. Gas and the Transformation of Warfare and Society, Uniform Press, Londres, 2016.

(5) Seth Wiard, « Chemical warfare munitions for law enforcement agencies », Journal of Criminal Law and Criminology, vol. 26, no 3, Chicago, automne 1935.

Lire aussi le courrier des lecteurs dans notre édition de juin 2018.

DANGERS POUR LA SANTÉ: LA PNH DEVRAIT-ELLE BANNIR LE GAZ LACRYMOGÈNE ?

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Les manifestations pacifiques ou plus radicales sont souvent contrôlées et dispersées par l’usage de gaz lacrymogène. Si ce type de répression ne blesse personne directement, les gaz émis sont potentiellement très dangereux pour la santé.

« Apportez-moi du coca s’il vous plaît. À l’aide ! Je ne peux pas respirer ! » C’est le cri de Junior Jean François, âgé de 27 ans, appuyé contre le mur de l’hôtel Le Plaza, aux alentours du Champ-de-Mars, après que des agents de police (UDMO, CIMO) ont fait usage de gaz lacrymogène pour disperser la manifestation anti-gouvernementale du 7 février 2019.

Les manifestations de rue – forme d’expression populaire en vogue depuis plusieurs décennies – sont souvent accompagnées par la Police Nationale d’Haïti. Mais lors des affrontements, les policiers utilisent fréquemment le gaz lacrymogène à l’encontre des manifestants. Ce gaz est une arme chimique interdite dans les conflits armés, mais acceptée pour les interventions de maintien de l’ordre, par le protocole de Genève de 1925 et par la Convention sur l’interdiction des armes chimiques de 1993.

Pourquoi les forces de l’ordre utilisent-elles cette arme chimique ?

Le gaz lacrymogène utilisé par la Police Nationale d’Haïti prend souvent la même forme que les bombes aérosol utilisées par les artistes de rue. Pour Grégory Estimé, « il permet de tenir à distance les manifestants qui veulent entrer de force dans un périmètre de sécurité ». Âgé de 38 ans, cet agent de premier grade du Corps d’intervention et de maintien de l’ordre (CIMO) est père de trois enfants. La structure dont il fait partie au sein de la PNH se charge d’encadrer les rassemblements, manifestations et autres mouvements de contestation populaire.

Souvent, les manifestants essaient de piller et d’incendier des magasins sur leur passage et/ou de changer la trajectoire annoncée. En d’autres occasions, les protestataires tentent d’incendier ou de saccager des bâtiments publics et privés à coups de pierres. Selon un agent de la Brigade d’Opération et d’Intervention Départementale (BOID) qui requiert l’anonymat parce qu’il n’est pas autorisé à parler au nom du corps, « dans ces cas, les soldats peuvent faire directement usage de ce gaz s’ils ne peuvent défendre autrement le terrain qu’ils occupent».

Le gaz lacrymogène se disperse dans un grand périmètre. Ceci explique pourquoi certaines personnes souffrent de ces émanations irritantes alors qu’elles sont chez elles ou dans un centre hospitalier par exemple.

Quels sont ses effets ?

Selon Ricardo Mirlien, un résident de l’Hôpital de l’université d’État d’Haïti, le gaz lacrymogène le plus couramment utilisé contient l’agent chimique 2- chlorobenzaldène malononitrile (appelé aussi « CS », des initiales de Corson et Stoughton, chimistes qui ont synthétisé la molécule). « Malgré son nom, le gaz lacrymogène n’est pas un gaz, mais un aérosol. Le CS est solide à la température ambiante. Mélangé à des agents de dispersion liquides ou gazeux il devient une arme conçue pour activer les nerfs sensibles à la douleur » explique le jeune médecin qui affirme que le gaz lacrymogène agit en irritant les muqueuses des yeux, du nez, de la bouche et des poumons.

Gregory Estimé ajoute qu’en général, les effets se manifestent au bout de 30 secondes environ. La victime ressent une vive brûlure des yeux qui deviennent larmoyants sous l’effet de l’irritation, des difficultés à respirer, des douleurs thoraciques, une salive excessive et une irritation de la peau. « Je sais aussi que suite à une exposition importante certains peuvent également souffrir de vomissements et de diarrhée», conclut-il.

D’après une étude de l’université de Yale, le gaz lacrymogène n’a pas seulement des effets irritants : il s’agit surtout d’un gaz neurotoxique. L’exposition prolongée à ce gaz peut causer des problèmes respiratoires sérieux, voire des crises cardiaques.

Ces gaz toxiques sont rapidement absorbés par voie pulmonaire, fait savoir le Dr Evens P. Vixamar, médecin-interne à l’hôpital de l’Université d’État d’Haïti. « Une grande partie est hydrolysée puis éliminée par les reins dans les urines. Cette réaction est plus aiguë chez les personnes souffrant de maladies chroniques respiratoires, les femmes enceintes, les bébés » explique le médecin qui pense qu’on devrait limiter son usage aux cas extrêmes par des policiers autorisés.

Lorsqu’une personne âgée ou un bébé inhale du gaz lacrymogène, elle risque de mourir. « Cette issue fatale, lors d’expertise médico-légale, est due soit à une atteinte pulmonaire et/ou une asphyxie », poursuit le médecin interne.

Comment se protéger ?

« J’apporte toujours des bouteilles de coca ou des morceaux de citron toutes les fois que je participe à une manifestation. Le citron est ma meilleure défense contre les effets du gaz lacrymogène lancé par les forces de l’ordre» raconte Schneider Gentil, un habitué des manifestations. Il utilise du coca pour se laver le visage et un morceau de citron pour se frotter le nez et les yeux. Cela lui permet de respirer avec moins de difficultés.

Pour mieux se protéger des gaz lacrymogènes, le médecin Ricardo Mirlien explique qu’il faut s’éloigner le plus possible de l’endroit d’émanation de la substance. “Ne vous touchez pas le visage et ne vous frottez pas les yeux. Il faut se moucher et cracher, pour évacuer les produits chimiques ». Il affirme que le vinaigre et le citron permettent de diminuer la toxicité de ces gaz en réagissant avec eux. « Il est donc conseillé d’imbiber les mouchoirs avec du vinaigre ou du jus de citron pour  se recouvrir le visage et respirer moins ces toxiques, » ajoute le résident de l’HUEH.

Dr Evens P. Vixamar conseille aux asthmatiques d’avoir toujours à portée de main leurs pompes respiratoires. Sinon, faute d’une assistance médicale immédiate, ils pourraient mourir par asphyxie.

Pour se protéger les yeux, le médecin interne recommande d’éviter de porter des lentilles de contact lorsqu’on risque d’être exposé au gaz lacrymogène. « Le gaz peut se coincer sous les lentilles et endommager la vue. En cas d’exposition au gaz avec des lentilles, il est conseillé de les faire retirer rapidement par quelqu’un dont les mains n’ont pas été contaminées» relate-t-il. Le spécialiste rappelle qu’il ne faut surtout pas se frotter les yeux, ce qui active les larmes et donc la réaction allergique et la douleur. Il conclut : « La meilleure solution consiste à rincer abondamment les yeux à l’aide d’un sérum physiologique. L’eau pure peut parfois augmenter la douleur si elle n’est pas versée en abondance car elle dissout les cristaux déposés par le gaz ».

Snayder Pierre Louis

Image : Jean Marc Hervé Abelard

Les armes : témoignage sur les gaz lacrymogènes (CS)

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Gaz à bout portant

Témoignage reçu par un anonyme, le 23 septembre :

Salut !

Je me suis laissé dire qu’une odeur d’amande d’odeur amère était un sujet d’inquiétude… je n’ai pas de laborantin pour fournir une analyse mais quelques renseignements :

En fait je pense qu’il s’agit en effet de benzaldéhyde, qui provient de la décomposition du gaz CS (le gaz lacrymogène le plus couramment employé pas les brigades anti émeutes) sous l’action de la chaleur. Je ne suis pas à 100% sûr, mais je crois bien que cette odeur prouve qu’il y ait également dégagement de cyanure.

Le « gaz CS » porte mal son nom, car en fait il s’agit d’un composé solide. Pour le diffuser il faut donc soit en faire une solution (liquide), un aérosol (particule en suspension dans l’air) ou une fumée (mélangé à un composé pyrotechnique).
La réaction chimique qui produit la fumée génère aussi de la chaleur, ce qui décompose sans doute une partie du gaz CS en composés dangereux. Le gaz CS peut aussi provoquer des nausées.

Il faut bien comprendre qu’il s’agit de fines particules dans l’air, et pas un gaz, on peut donc s’en protéger plus facilement que s’il s’agissait vraiment d’un gaz !
Il faut donc se protéger : les yeux (lunettes de piscine), couvrir un maximum la peau avec du tissu, et surtout les voies respiratoires, idéalement avec un masque à gaz, mais sinon un tissu devant la bouche ET le nez. Si possible, un tissu humide et dense, c’est plus difficile pour respirer mais ça laissera passez moins de saloperies.

En cas d’exposition, évacuer la zone toxique pour respirer de l’air frais, et laver la peau et les muqueuses exposées avec de l’eau fraîche, et savon. Les vêtements exposés sont aussi à laver.
Surtout ne pas utiliser d’eau de javel, cela génère des composés encore plus toxiques que le gaz CS seul.

Parfois le gaz CS est mélangé avec des substances comme le silicone ou d’autres merdouilles, il s’appelle alors CS1 ou CS2. Cela le rend insoluble dans l’eau, et du coup il reste actif beaucoup plus longtemps (jusqu’à plusieurs semaines)

Quand c’est possible récupérez les munitions utilisées et prenez les en photo, avec les références visibles, la date, etc.

A la revoyure.
Bon courage.

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Des grenades ramassés :

Les grenades que j’ai ramassées sont :GR 56 FUM lac CM6 02 SAE-11 et GR56 FUM LAC MP7 13 PB-07 et une autre Plmp 7C 02PB 05 et GR FL LANCR MA Fum Lac CM 02- SAE-04 une dernière : MP7C 5PB0504PB-02. Je ne suis pas chimiste

– france-lanord (2 octobre 2014)

Pourquoi faut il interdire les gaz lacrymogène.

Interdit comme arme de guerre, mais pas pour ses usages « civils », le gaz lacrymogène est d’autant plus dangereux qu’il est utilisé de manière irresponsable. Notamment en France, pays exportateur de ce produit et de son savoir-faire répressif…

Alors que la police utilise massivement le gaz lacrymogène à l’encontre des manifestants opposés à la loi travail il convient de s’intéresser de plus près à cette arme. Un examen dont résulte la nécessité d’interdire largement son usage pour protéger la population. Une mesure qui devrait accompagner la campagne en cours pour l’interdiction du flashball.




Une arme chimique illégale en temps de guerre

Il est généralement admis que les Mayas ont été les premiers à utiliser le gaz lacrymogène comme arme de guerre pour se défendre contre les colonisateurs européens en 1605. Toutefois, son usage s’est véritablement répandu pendant la Première guerre mondiale. La France, ayant découvert un intérêt militaire au gaz lacrymogène dès 1905, l’a d’abord utilisé contre les troupes allemandes en 1914, le gouvernement allemand a ensuite ordonné à ses soldats de riposter avec des armes encore plus toxiques.

Alors que la police utilise massivement le gaz lacrymogène à l’encontre des manifestants opposés à la loi travail il convient de s’intéresser de plus près à cette arme. Un examen dont résulte la nécessité d’interdire largement son usage pour protéger la population. Une mesure qui devrait accompagner la campagne en cours pour l’interdiction du flashball

Une arme chimique illégale en temps de guerre

Il est généralement admis que les Mayas ont été les premiers à utiliser le gaz lacrymogène comme arme de guerre pour se défendre contre les colonisateurs européens en 1605. Toutefois, son usage s’est véritablement répandu pendant la Première guerre mondiale. La France, ayant découvert un intérêt militaire au gaz lacrymogène dès 1905, l’a d’abord utilisé contre les troupes allemandes en 1914, le gouvernement allemand a ensuite ordonné à ses soldats de riposter avec des armes encore plus toxiques.

Après la guerre, les conventions de Genève ont successivement banni ces armes dans le droit de la guerre. Par contre, l’usage à l’encontre des civils est resté légal. Dans les années 1960 les pays soi-disant communistes ont proposé une interdiction totale. Lorsqu’en 1993 la Convention sur les armes chimiques a enfin été signée on y trouve à nouveau des exceptions pour l’usage domestique du gaz.

Une arme extrêmement dangereuse

D’après une étude de l’université de Yale, le gaz lacrymogène n’a pas seulement des effets irritants : il s’agit surtout d’un gaz neurotoxique. Ainsi, le contact avec ce gaz ne provoque pas seulement des douleurs immédiates, mais l’exposition prolongée au gaz lacrymogène peut causer des problèmes respiratoires sérieux, voire des crises cardiaques comme on peut le lire dans le Journal of the American Medical Association. Ces effets sont renforcés chez des enfants (que la police a par exemple gazés lors de la manifestation du 1er mai à Paris). Chez des femmes enceintes, il peut provoquer des fausses couches et s’avère mortel pour des personnes souffrant d’asthme ou d’autres problèmes bronchiques.

Le gaz lacrymogène peut non seulement asphyxier des adultes – comme l’atteste l’AFP – mais les tirs de gaz lacrymogène peuvent également provoquer la mort : deux cas en récents en Palestine le démontrent. Par ailleurs, le médecin Sven-Eric Jordt indique que personne ne connaît les effets à long terme de l’exposition au gaz lacrymogène, mais souligne que, dans l’immédiat, il cause des blessures significatives et cela alors que son usage par la police semble se normaliser. D’après une étude de l’université de Yale, le gaz lacrymogène n’a pas seulement des effets irritants : il s’agit surtout d’un gaz neurotoxique. Ainsi, le contact avec ce gaz ne provoque pas seulement des douleurs immédiates, mais l’exposition prolongée au gaz lacrymogène peut causer des problèmes respiratoires sérieux, voire des crises cardiaques comme on peut le lire dans le Journal of the American Medical Association. Ces effets sont renforcés chez des enfants (que la police a par exemple gazés lors de la manifestation du 1er mai à Paris). Chez des femmes enceintes, il peut provoquer des fausses couches et s’avère mortel pour des personnes souffrant d’asthme ou d’autres problèmes bronchiques.

En France la police l’utilise clairement de manière irresponsable : depuis le début de la lutte contre la loi travail – et sans parler de Notre-Dame-des-Landes – elle gaze à grande échelle et notamment les lycéens. Le jeudi 28 avril, elle est allée plus loin en gazant d’abord l’intérieur de la station de métro Nation pour ensuite fermer les sorties – quelques minutes plus tard, la RATP a lancé un premier appel à secouristes –, et le 1er mai elle a encerclé la tête du cortège avant de le gazer. D’après une étude de l’université de Yale, le gaz lacrymogène n’a pas seulement des effets irritants : il s’agit surtout d’un gaz neurotoxique. Ainsi, le contact avec ce gaz ne provoque pas seulement des douleurs immédiates, mais l’exposition prolongée au gaz lacrymogène peut causer des problèmes respiratoires sérieux, voire des crises cardiaques comme on peut le lire dans le Journal of the American Medical Association. Ces effets sont renforcés chez des enfants (que la police a par exemple gazés lors de la manifestation du 1er mai à Paris). Chez des femmes enceintes, il peut provoquer des fausses couches et s’avère mortel pour des personnes souffrant d’asthme ou d’autres problèmes bronchiques.





Que faire face au gaz lacrymogène ?

Il existe environ quinze types de gaz lacrymogène. Alors que les producteurs donnent généralement beaucoup d’informations sur la toxicité et les conséquences potentiellement graves provoquées par leurs produits, ils sont étonnement muets concernant le comportement à adopter une fois exposé au gaz. En principe, pour s’en débarrasser il faut de l’air frais ainsi qu’un nettoyage des yeux et autres parties du corps. Cela implique de pouvoir circuler librement, chose que cette police même, qui gaze, empêche souvent.

Dans le cadre de mobilisations fortes comme à Gezi (Turquie), à Syntagma (Grèce), à Tahrir (Égypte), à Ferguson (États-Unis) ou en Palestine les militants conseillent également des masques, voire de brûler des pneus ou poubelles puisque le feu consume le gaz dans l’air. Des militants de Tahrir ont également conseillé de nettoyer les visages avec du Coca et d’autres recommandent du sérum physiologique. Mais le fait est que, dans certaines situations, comme à Gezi, la police a fait usage de différents types de gaz : ainsi le traitement contre un type de gaz est-il susceptible d’aggraver les effets d’un autre type. Il existe environ quinze types de gaz lacrymogène. Alors que les producteurs donnent généralement beaucoup d’informations sur la toxicité et les conséquences potentiellement graves provoquées par leurs produits, ils sont étonnement muets concernant le comportement à adopter une fois exposé au gaz. En principe, pour s’en débarrasser il faut de l’air frais ainsi qu’un nettoyage des yeux et autres parties du corps. Cela implique de pouvoir circuler librement, chose que cette police même, qui gaze, empêche souvent.



Répression et commerce de concert

Le marché de ces armes « non-létales » est estimé à plus de 1,6 milliard de dollars, avec un fort potentiel de croissance dans les années à venir. La France figure parmi les pays qui profitent fortement de ce marché. Ainsi, dans le cadre des révolutions arabes, le gaz lacrymogène français a servi à mater la révolution de 2011 au Bahreïn et a causé la mort d’au moins trente-neuf personnes selon l’ONG Physicians for Human Rights.

Face à l’accusation de participer indirectement à des violations des droits humains, la France a officiellement arrêté de fournir des armes à la dictature au Bahreïn tout en se réservant des voies alternatives : soit en livrant à l’Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis, alliés du régime au Bahrein – un marché qui vaut plus de trois millions d’euros – soit en vendant directement à la dictature mais sous une licence d’exportation différente. De même, le gouvernement français a autorisé l’envoi de gaz lacrymogène au dictateur Ben Ali alors que le peuple tunisien avait déjà commencé le soulèvement de 2011.




La France, exportatrice de « savoir-faire »

En plus des livraisons d’armement la France se considère comme un exportateur de compétences en « gestion de foules », qui forme les forces répressives étrangères. Afin de rendre crédible l’offre français en matière de répression, la France a régulièrement besoin de prouver l’efficacité de ses armes et de sa police. Dans ce contexte, l’entreprise Civipol qui vend un « véritable savoir-faire français » de conseil et des formations reconnaît que la répression des quartiers populaires de 2005 a nettement fait progresser les contrats liés au maintien de l’ordre.

En 2008, juste après la répression des émeutes au Tibet, la Chine a reçu une délégation de la gendarmerie française pour former des policiers, tout comme la France a formé la police du dictateur Moubarak en Égypte et des CRS en Afrique du Sud qui, lors de la grève à Marikana de 2012 ont tué trente-quatre ouvriers. Ainsi, les soi-disant débordements lors des manifestations contre la loi travail ne sont pas seulement organisés par l’Etat à des fins immédiatement politiques, mais ils rapportent des profits.




Vers l’interdiction du gaz lacrymogène

Compte tenu des dangers inhérents au gaz lacrymogène, le groupe parlementaire de Die Linke a présenté en 2011 – à la suite de la répression massive du mouvement social et écologiste contre le projet Stuttgart 21 – une proposition de loi visant à largement interdire le gaz lacrymogène. Leur proposition prévoit de prohiber son usage sauf en cas de danger pour la vie d’un policier ou d’autrui et implique qu’à chaque fois la personne ayant eu recours à cette arme soit identifiable.

Alors que nous sommes dans un contexte de lutte et de répression similaire cette mesure est urgente pour protéger les manifestants et permettre à la majorité de la population – qui est opposée à la loi travail – de s’exprimer librement.

Source:
http://www.regards.fr/web/article/pourquoi-il-faut-interdire-le-gaz?fbclid=IwAR1bPwNKubA6p5kbtn-70m9Id-cTeA0p5QZAJZDC5M-GcVbK2h4dJRu2wfU


GAZ LACRYMOGÈNES : UNE QUESTION DE SANTÉ PUBLIQUE QUE LE GOUVERNEMENT ET LES FABRICANTS PASSENT SOUS SILENCE

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Publié par wikistrike.com sur 30 Novembre 2018, 08:52am

Catégories : #Social – Société#Santé – psychologie

Gaz lacrymogènes : une question de santé publique que le gouvernement et les fabricants passent sous silence

Lors du récent mouvement des gilets jaunes en France, les gaz lacrymogènes ont une énième fois été utilisés. Or, cette arme jugée non létale est utilisée dans le monde entier, bien que les risques pour la santé sont bien réels.

Une utilisation très fréquente

Récemment dans notre pays, les diverses manifestations ont parfois donné lieu à des confrontations avec les forces de l’ordre. Ces heurts ont généré l’utilisation de lacrymogènes, un terme désignant l’ensemble des composés causant une incapacité temporaire par irritation des yeux et/ou du système respiratoire (ou encore de la peau).

Très utilisés par tous les gouvernements français, les gaz lacrymogènes sont massivement utilisés aux quatre coins du monde contre les populations. Tout récemment, le président des États-Unis, Donald Trump, a défendu l’usage des gaz lacrymogènes dans le but de stopper les migrants à la frontière mexicaine.

Une toxicité qui augmente

Un long article publié dans le magazine Reporterre le 15 mars 2018 évoque une composition des gaz lacrymogènes évoluant vers davantage de toxicité. Il s’agirait d’une question de santé publique que le gouvernement et les fabricants passeraient sous silence. Non seulement les effets sur la santé n’ont jamais été exposés officiellement, mais c’est aussi le cas de la composition exacte des gazlacrymogènes.

L’enquête parle de manifestants indiquant des “suffocations qui leur paraissent plus fortes” et des secouristes évoquant des “bronchites chroniques durant trois à six mois après exposition”. Un CRS de la région parisienne a même constaté une irritation plus importante au niveau des gazeuses à main en service en France depuis une poignée d’années.

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Qu’en dit la police ?

L’enquête estime que les policiers – également exposés aux gaz lacrymogènes – seraient eux aussi maintenus dans l’ignorance. Pour preuve, une sérieuse divergence de ressenti et d’opinion. Pour Alexandre Langlois du syndicat Vigi (ex-CGT police), il est question de “nouvelles munitions plus fortes, plus concentrées” concernant les lance-grenades Riot gun Penn Arm’s à barillet (six projectiles).

En revanche Johan Cavallero, délégué national CRS au syndicat Alliance estime que “les grenades baissent en intensité, sauf quand on sature l’espace d’une place et que ça stagne au sol”, mais que celles-ci “piquent davantage quand elles approchent de leur date de péremption”. Grégory Joron, secrétaire national SGP Police, évoque un renouvellement fréquent des stocks et ajoute qu’aucune modification de la composition – ou du dosage – des grenades n’a été constatée. Ceci lui aurait été confirmé par le Service de l’achat, de l’équipement et de la logistique de la sécurité intérieure (Saelsi).

Très peu d’études sur la question

Selon Frank Ceppa de l’Hôpital d’instruction des Armées du Val-de-Grâce, il n’existe aucune étude épidémiologique ayant été menée en France sur les effets des gaz lacrymogènes. L’intéressé donne des cours aux personnels confrontés à ce type d’armes et évoque différents risques – spécialement en milieu confiné – tels que le stress respiratoire aigu. Le problème réside dans le fait que la maigre connaissance médicale des effets à long terme est conditionnée par le manque de recherche, ce qui ne permet donc pas le développement de traitements et autres contre-mesures.

Cependant, certaines études menées notamment au Royaume-Uni et en Nouvelle-Zélande évoquent des problèmes respiratoires sérieux, voire des crises cardiaques en cas d’exposition prolongée. Il est par ailleurs question de possibles fausses couches pour les femmes et d’un danger potentiellement mortel pour les personnes souffrant d’asthme et autres maladies du même type.

Sources : Reporterre – RFI – Libération

via:https://citizenpost.fr/2018/11/gaz-lacrymogenes-une-question-de-sante-publique-que-le-gouvernement-et-les-fabricants-passent-sous-silence/

Les gaz lacrymogènes : dangereux pour la santé, mais… silence d’État !

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Les gaz lacrymogènes sont largement utilisés par les gouvernements français. Leur composition évolue vers plus de toxicité, semble-t-il, ce qui est nocif pour les manifestants et… pour les policiers. Mais à la différence de tout autre produit chimique, fabricants et État ne disent rien sur sa composition. La transparence est nécessaire. Reporterre ouvre cette question de santé publique.

On pourrait penser que la composition des grenades lacrymogènes déversées abondamment sur les manifestants – mais aussi à usage privé, dans des cartouches de défense individuelle – est bien connue, étant donnés les enjeux de santé publique que pose leur emploi massif. Mais ces composés chimiques lacrymogènes et leurs effets sur la santé demeurent en France dans une opacité strictement gardée. Un tabou complet. Un non-dit officiel. Une zone inaccessible, soigneusement maintenue hors de toute transparence. Reporterre s’est confronté à cet écran de fumée officiel, sans ménager ses efforts, sollicitant ministères et cabinets, service de santé des Armées, fabricants, qui refusent toute réponse, et spécialistes qui ne disposent pas de données précises. Circulez, il n’y a rien à voir. Et pourtant…

Évoquer une toxicité accrue des grenades lacrymogènes utilisées par les gendarmes et policiers expose à des réponses fumeuses. Les nuages lacrymogènes sont-ils plus puissants, plus incapacitants que par le passé ? Dans les manifestations, beaucoup ont cette impression. Certains attestent de suffocations qui leur paraissent plus fortes, des yeux qu’on ne peut plus ouvrir durant plusieurs minutes, alors qu’auparavant on ne faisait que pleurer, les yeux piquants mais ouverts, des plaques rouges immédiates sur la peau, au visage, au cou…

Les équipes volantes de secouristes n’ont aussi qu’une appréciation empirique mais s’accordent sur des effets à moyen terme, notamment de bronchites chroniques durant trois à six mois après exposition aux lacrymos dans les manifestations. Secouristes sur le pavé, les streets medics ont recueilli les témoignages de personnes âgées et d’enfants affectés par ces aspersions de gaz lacrymogène aux franges des cortèges de manifestants. Et selon les morphologies, la gêne immédiate peut être très variable, affectant d’abord les yeux pour certains, la respiration pour d’autres, voire des réactions cutanées immédiates. Mais il ne s’agit là que d’un ressenti, difficilement mesurable.

Les policiers sont aussi exposés… et maintenus dans l’ignorance

Les citoyens ne sont pas les seuls exposés à ces substances irritantes. Les policiers qui les lancent les subissent aussi. Si on les interroge sur les dosages qui auraient pu monter en puissance ces dernières années, les réponses sont disparates. « Les gazeuses à main en service depuis deux ou trois ans et les dernières grenades sont plus fortes, plus irritantes qu’avant, confie à Reporterre un CRS en région parisienne. Il nous arrive d’en prendre dans les yeux, au visage, et on le ressent nettement. Bien sûr, ça dépend aussi des conditions : température extérieure, taux d’humidité, si ça tombe sur du macadam, sur de l’herbe… » « Les dernières grenades ont un effet plus fort, plus important qu’auparavant, et les derniers lanceurs multicoups [lance-grenades Riot gun Penn Arm’s à barillet, chargé de six projectiles] sont dotés de nouvelles munitions plus fortes, plus concentrées »,confirme Alexandre Langlois, du syndicat Vigi, ex-CGT police.

Cette impression n’est pas partagée par tous : « Je dirais plutôt que les grenades baissent en intensité, sauf quand on sature l’espace d’une place et que ça stagne au sol, mais ces grenades piquent davantage quand elles approchent de leur date de péremption », explique Johan Cavallero, délégué national CRS au syndicat Alliance. De son côté, Grégory Joron, secrétaire national SGP Police, explique : « Les stocks sont renouvelés régulièrement, on n’a pas changé de grenade, et rien n’a été modifié quant à la composition ou au dosage des grenades, selon ce que nous dit le Saelsi [le Service de l’achat, de l’équipement et de la logistique de la sécurité intérieure, qui fournit depuis 2014 gendarmerie et police nationale]. Seul le volume de gaz quand on sature une place change clairement la donne ».

Les citoyens ne sont pas les seuls exposés à ces substances irritantes. Les policiers qui les lancent les subissent aussi.

Fournisseurs des unités du maintien de l’ordre, la société Nobel sport, basée à Pont-de Buis (Finistère), lâche un laconique : « Il n’y aura pas de réponse de l’entreprise sur ce sujet. » Même refus d’informer chez son concurrent Alsetex, implanté à Précigné (Sarthe) : « La société Alsetex ne transmet aucune information sur les produits commercialisés à des tiers autres que nos clients. Nos produits répondent aux spécifications techniques des clients étatiques de l’entreprise. » Les ministères de la Défense et de l’Intérieur ne sont pas plus diserts, même s’ils exigent des questions écrites, transmises par courriel. Sans réponse.

Les apparitions du gaz lacrymogène remontent à la guerre de 1914-1918 

Malgré son nom, le gaz lacrymogène n’est pas un gaz mais un composé solide (à température ambiante), dilué dans des agents liquides ou gazeux, des composés fumigènes. Il s’agit de disperser le produit dans l’air par des grenades lacrymogènes simples ou par des « grenades à effets mixtes, lacrymogènes et de souffle (GLI-F4) ». Ces grenades relèvent de ce que les règlements appellent l’« usage des armes » et sont considérées dans le jargon policier comme « armes intermédiaires », « gaz incommodants » ou « incapacitants », parfois qualifiées de « sub-léthal », ou « à létalité réduite ». Pourtant, des gens sont morts, notamment en Palestine, en inhalant ces gaz. L’armée états-unienne le reconnaît aussi. Ce n’est donc pas un produit anodin, un moindre mal évitant le risque de mise à mort. Quant à savoir si les dégâts durables des lacrymogènes sur la santé sont évalués, la réponse des syndicalistes policiers, cette fois unanimes, est non. Beaucoup trouvent pourtant cette question de santé pertinente mais admettent n’avoir aucune donnée, aucune information.

À l’Hôpital d’instruction des Armées du Val-de-Grâce, Frank Ceppa, qui a écrit sur la toxicologie des armes, le reconnaît : « Je n’ai pas d’étude épidémiologique. Je donne un cours magistral dans une optique militaire aux personnels confrontés à ce type d’armes. J’évoque les risques accrus en milieu confiné, comme des réactions de stress respiratoire aigu, en cas de forte concentration, selon le nombre de munitions au mètre carré, mais je n’ai pas d’élément chiffré ni de littérature précise sur les symptômes. »

Les premières apparitions massives du gaz lacrymogène remontent à la guerre de 1914-1918.

« On est beaucoup plus exposé que les manifestants mais on n’a aucun suivi pulmonaire, dermatologique ou ophtalmique, note Alexandre Langlois, du syndicat Vigi. À part la visite périodique de la médecine du travail, très succincte : on nous prend la tension, on passe sur la balance, on nous demande si ça va et c’est tout. » « Le code du CHSCT [comité d’hygiène et de sécurité] ne s’applique pas au volet répression de la fonction publique », dit Johan Cavallero, délégué national Alliance pour les CRS.

Les premières apparitions massives du gaz lacrymogène remontent à la guerre de 1914-1918. Les Français ont tiré les premiers. Par les aspersions lacrymogènes sur les tranchées ennemies, ils ont inauguré les toxiques chimiques utilisés durant la Première Guerre mondiale. Et ont déclenché une surenchère de gaz toxiques de combat : attaques au chlore avec des gaz suffocants, comme le phosgène ou le dichlore en vagues gazeuses dérivantes, et des « vésicants », comme l’ypérite (e redoutable « gaz moutarde »). Le nom de « vesicant » vient de la capacité du produit chimique à former de grandes vésicules sur la peau exposée.

Très peu de recherches épidémiologiques ont été menées

Le gaz CS (2-chlorobenzylidène malonitrile) utilisé aujourd’hui a été développé en 1928 et porte les initiales des noms des deux chimistes états-uniens (Ben Corson et Roger Stoughton) qui ont synthétisé ses composants actifs. Mais il n’a été produit massivement par l’armée états-unienne comme arme antiémeute que bien plus tard, à partir de 1959. Ce composé lacrymogène existe en quatre versions : CS, CS1 (comprenant 5 % d’aérogel de silice), CS2 (traité au silicone) et CSX (dilué dans du phosphite trioctyl). Chaque version possède « des caractéristiques propres quant à sa persistance selon sa composition, sa dissémination et sa vitesse d’hydrolyse [sa décomposition au contact de l’eau ou de l’hygrométrie de l’air] », explique un rapport de l’armée états-unienne de janvier 2005.

L’usage de ces gaz lacrymogènes a été interdit en temps de guerre par la Convention internationale sur les armes chimiques de Genève, en 1993. Quoique bannie des conflits militaires, cette arme reste curieusement autorisée contre les manifestants civils, pour mater des conflits intérieurs, en situation de guerre sociale « domestique ». En France, en avril 2015, le Défenseur des droit relevait dans un rapport que « la police allemande n’utilise pas de gaz lacrymogène, considérant que des personnes non agressives ou non violentes pourraient en subir les effets indûment ».

Interdit en temps de guerre, l’usage de ces gaz lacrymogènes est autorisé contre les manifestants civils, comme ici en 2013, à Strasbourg, contre des sidérurgistes d’Arcelor Mittal.

Les effets des gaz lacrymogènes sont connus mais les mécanismes biologiques qu’ils mettent en branle restent peu étudiés. « Les lacrymogènes agissent sur les terminaisons nerveuses des muqueuses oculaires et respiratoires, et sur la peau »,écrivaient en 2012 deux éminents pharmaciens et un médecin de l’École de santé des Armées, tout en reconnaissant que « le mécanisme d’action est mal connu » et n’avançant aucune hypothèse vraisemblable des raisons de ces attaques des yeux, de la peau et des poumons. Leur article, intitulé « Toxicité oculaire des agressifs chimiques », a été publié par la revue Médecine et armées.

Un article paru en 2016 dans les Annales de la New York Academy of Sciencesexplique que des études prouvent que le gaz lacrymogène peut « occasionner des dégâts durables, pulmonaires, cutanés et oculaires, avec des risques élevés de complications pour les individus affectés par des morbidités chroniques ». L’étude souligne que par manque de financement public, très peu de recherches épidémiologiques ont été menées sur le spectre des effets sanitaires occasionnés par cette arme antiémeute. Ce qui « handicape la connaissance médicale des effets à long terme et le développement de traitements et contre-mesures ». L’article qui s’attache principalement aux lacrymogènes utilisés aux États-Unis fait état de grenades type composées de 45 % d’agent CS, de 30 % de chlorate de potassium, de 14 % de résine époxy, de 7 % anhydride maléique, 3 % d’anhydride méthylnadique, et de 0,03 % de mélange résiduel. Rien ne dit que les fabricants français Nobel Spsrt et Alsetex livrent le même cocktail, mais on serait en droit de la savoir.

Mortel pour des personnes souffrant d’asthme ou d’autres problèmes bronchiques 

Les dégâts instantanés sur la santé sont inventoriés ; les effets durables, beaucoup moins. Dans l’immédiat, on constate des effets irritants sur les yeux, des plaques rouges sur la peau, presque instantanés : mais une exposition prolongée à des composés neurotoxiques peut occasionner des problèmes respiratoires sérieux, voire des crises cardiaques, comme le documentait une étude de l’université anglaise de Newcastle-upon-Tyne, publiée en 2003 par le Journal of the American Medical Association. Ces effets sont renforcés chez des enfants (que la police a par exemple gazés lors de la manifestation du 1er mai 2017 à Paris). Chez des femmes enceintes, il peut provoquer des fausses couches et s’avère mortel pour des personnes souffrant d’asthme ou d’autres problèmes bronchiques.

« De fortes concentrations sur des périodes courtes peuvent être plus dangereuses que la même dose dispersée en petites concentrations sur une plus longue durée », note une étude néo-zélandaise publiée en 2013, soulignant que les effets oculaires connus (yeux rouges et larmes) « incluent douleur, blépharospasme [contractions répétées et involontaires des paupières], photophobie [douleurs, migraines, en regardant une source lumineuse], conjonctivite, œdème périorbital, érythème de paupière. Ces symptômes n’occasionnent pas d’effets irréversibles, mais des blessures oculaires plus sévères ont été documentées, incluant hyphéma [sang à l’avant de l’œil], uvéite[inflammation de l’uvée], keratite [inflammation de la cornée] nécrosante ou coagulative, symblépharon [paupières collées], glaucome secondaire, cataractes et neuropathie optique traumatisante. » Les auteurs du rapport précisent la difficulté est de « déterminer si les dommages oculaires étaient dus au lacrymogène en soi, au solvant des grenades, ou un résultat de la charge explosive du produit ».

Autant d’éléments préoccupants qui auraient mérité des réponses des opérateurs publics de ces lacrymogènes. Il paraît indispensable que, comme tout produit répandu dans l’espace public, pesticide ou médicament, la transparence s’impose aux gaz lacrymogènes avec des études indépendantes.

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Effets persistants, rumeurs de cyanure : les gaz lacrymo utilisés contre les manifestants inquiètent

Par Olivier Monod 11 mai 2019 à 09:47

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Utilisation du gaz lacrymogène lors de la manifestation des gilets jaunes à Toulouse, le 30 mars 2019.
Utilisation du gaz lacrymogène lors de la manifestation des gilets jaunes à Toulouse, le 30 mars 2019. Photo Ulrich Lebeuf. Myop pour Libération 

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Des gilets jaunes affichent des symptômes persistants après une exposition aux gaz. Certains évoquent une intoxication au cyanure, sans qu’aucune n’ait été caractérisée. Des voix scientifiques s’élèvent pour mener des recherches sérieuses sur les effets des gaz.

Question posée par Gérard Portier le 09/04/2019

Bonjour,

Des prises de sang réalisées en pleine manifestation. La scène surprenante a été vue lors des manifestations du 20 avril et du premier mai, et dénoncée dans un communiqué par La coordination Premiers Secours. «Nous tenons à faire savoir qu’aucun Médic de la coordination n’est acteur de ces gestes irresponsables. Nous dénonçons ses pratiques, et rappelons que ces initiatives engagent leur responsabilité individuelle

Des vidéos datées du 20 avril et tournées à Paris, que CheckNews a pu consulter, montrent des prises de sang et des analyses de sang réalisées sur le trottoir, et parfois sans gants. Cette pratique contestée a pour objectif d’étayer les soupçons qui montent depuis plusieurs semaines sur la composition des gaz lacrymogènes, alors que de plus en plus de témoignages de manifestants font état d’effets persistants. Certains dénonçant depuis plusieurs mois des cas d’intoxication au cyanure.

À la recherche du cyanure

Le 10 février dernier, l’avocate Raquel Garrido met le sujet du cyanure sur la table en partageant ses symptômes post-manifestation (douleurs, vomissement, migraine) sur les réseaux sociaux. «Selon mon médecin, cela ressemble un empoisonnement à l’acide cyanhydrique», affirme-t-elle.

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Raquel Garrido@RaquelGarridoFr

J’ai informé mes amis (FB) de mes symptômes consécutifs à l’absorption de gaz hier à l’ActeXIII. Depuis, je reçois quantité de témoignages similaires. Selon mon médecin, cela ressemble un empoisonnement à l’acide cyanhydrique. Je demande à @Place_Beauvau la composition du gaz.2 79514:42 – 10 févr. 20193 531 personnes parlent à ce sujetInformations sur les Publicités Twitter et confidentialité

Les symptômes décrits par Raquel Garrido restent proches de ceux provoqués par une exposition au 2-Chlorobenzylidènemalononitrile, le gaz utilisé dans les lacrymogènes (aussi appelé gaz CS), selon la fiche toxicologique de l’INRS. Le témoignage de l’avocate est dénoncé, et parfois moqué, dans des médias et un syndicat de police.

Début avril, le collectif SOS ONU, qui s’est donné pour mission de recueillir des témoignages de violence policière afin de compléter le dossier déjà déposé au Haut-Commissariat des Droits de l’Homme, ajoute sa pierre à la polémique en publiant sur sa page Facebook des résultats d’analyses sanguines et urinaires de manifestants. Certains montrent des taux de thiocyanates dans les urines ou dans le sang supérieurs aux valeurs de référence. Parmi les deux tests publiés, l’un affiche 15,9 mg/L de thiocyanate dans le sang (contre 7,5 mg/L de référence chez les fumeurs) et l’autre affiche 31,4 mg/L dans les urines (contre 25 mg/L de référence chez les fumeurs).

Or le thiocyanate est produit par le corps humain en cas d’exposition au cyanure. Ce qui a conduit SOS ONU à écrire «Analyses CYANURE POSITIF !!» et à lancer une campagne pour demander aux personnes présentant des symptômes persistants après une exposition aux gaz lacrymogènes de réaliser le test au thiocyanate dans le sang, dans l’espoir de démontrer une intoxication au cyanure due aux gaz lacrymogènes.

Que disent les tests ?

CheckNews a contacté le docteur François Parant, médecin au laboratoire qui a effectué les analyses publiées par SOS ONU. Il confirme que son laboratoire a reçu bien plus de demandes de dosages de thiocyanates que d’habitude depuis décembre 2018. La véracité des documents publiés n’est pas remise en cause, mais les concentrations retrouvées, bien que parfois supérieures aux valeurs de référence du laboratoire, ne permettent pas, selon lui, de caractériser une intoxication au cyanure.

«Dans notre laboratoire, nous réalisons les dosages des thiocyanates sériques [dans le sang, ndlr] et urinaires par technique colorimétrique. L’indication usuelle est la documentation d’une exposition aux cyanures suite à un incendie. La méthode utilisée manque néanmoins de spécificité ; les résultats doivent être interprétés au regard d’analyses biochimiques complémentaires et de la clinique», explique François Parant.

Au centre anti-poison de Lyon, le docteur Jean-Marc Sapori confirme également avoir été sollicité par des personnes exposées au gaz lacrymogène et pensant être intoxiquées par du cyanure. «Jusqu’à présent, tous les cas rapportés à notre centre présentent logiquement des signes irritatifs classiques, parfois associés à d’autres signes, très divers, mais ne pouvant être imputés à une intoxication manifeste au cyanure», explique-t-il à CheckNews.

Lire aussi : UN VÉHICULE BLINDÉ A-T-IL DIFFUSÉ POUR LA PREMIÈRE FOIS DE LA POUDRE LACRYMOGÈNE SUR LES GILETS JAUNES, SAMEDI 16 MARS ?

Les tests complémentaires

Pour caractériser la présence de cyanure dans le sang des manifestants, certains membres de SOS ONU ont voulu aller plus loin que les tests en laboratoire, proposant donc de réaliser des analyses sanguines pendant les manifestations. Une vidéo a été postée sur YouTube pour expliquer la démarche.

La pratique de ces tests a généré de vifs désaccords au sein du collectif et, aujourd’hui, la page Facebook SOS ONU dénonce cette pratique aux côtés des street medics.

CheckNews a contacté le médecin belge Renaud Fiévet qui supervise les prises de sang en question sur le terrain. «Les prises de sang sont effectuées dans le respect des protocoles de la haute autorité de santé, par des infirmières diplômées», affirme-t-il.

Les tests en question sont fournis par la société suisse CyanoGuard et commercialisés depuis 2018. «Après avoir échangé avec le fabricant, nous avons décidé de doubler quantité de sang testé afin d’abaisser le seuil de détection», confie Renaud Fiévet.

Le célèbre gilet jaune Maxime Nicolle s’est livré au test, et en a publié le résultat le 1er mai «une heure après exposition aux gaz». Il assure à CheckNews, et dans un live, que le test s’est déroulé dans de bonnes conditions d’hygiènes. CheckNews a envoyé par mail la photo du test de Maxime Nicolle au fabricant du kit, qui confirme un résultat positif au cyanure.

Test de cyanure sanguin publié par Maxime Nicolle

Ce résultat permet-il de conclure quoi que ce soit? Notons que ce test n’a pas été effectué avant la manifestation pour comparer un résultat avant et après exposition. Par ailleurs, Jérôme Langrand, médecin toxicologue au Centre Antipoison de Paris, est dubitatif sur le test en question. «Il existe des dosages fiables, réalisés par des laboratoires reconnus, pour doser le cyanure dans le sang. Pourquoi faire appel à des bandelettes moins validées scientifiquement ?» Dans le protocole pour établir une intoxication au cyanure, les médecins demandent aussi le dosage des lactates sanguins, qui prouvent que le cyanure a bien eu une action biologique. Car une exposition au cyanure n’est pas en soit synonyme d’une intoxication, on retrouve des doses de cyanure ou thiocyanate dans le sang de la population générale.

Les gaz lacrymogènes contiennent-ils du cyanure ? L’hypothèse du métabolisme

Par aileurs, à ce stade, si on connaît l’exposition au cyanure par la cigarette, l’alimentation, ou encore les incendies, rien ne vient valider l’hypothèse de la présence de cyanure dans le gaz lacrymogène.

Lire aussi : GARE À L’ORTHOCHLOROBENZYLIDÉNÉMALONONITRILE

Sollicitée par CheckNews, la direction générale de la police nationale affirme qu’«aucune trace de cyanure d’hydrogène n’a été détectée lors des tests effectués sur les engins utilisés par la police comme la gendarmerie». Une réponse qu’elle avait déjà faite à France Info ou LCI.

L’hypothèse du métabolisme

L’hypothèse la plus répandue est la modification du gaz CS dans le corps humain. L’idée est que le CS serait en partie transformé par le métabolisme en cyanure d’hydrogène puis en thiocyanate. Le schéma explicatif ci-dessous avait été publié par SOS ONU en avril.

Ce mécanisme ne sort pas de nulle part. La transformation du gaz CS en cyanure est même démontrée chez les animaux en cas de forte exposition au CS. La réalité de ce phénomène chez l’homme a donc été étudiée. Après évaluation, son rôle dans la toxicité du gaz CS a été écarté.

En 2001, une revue de littérature (résumé du savoir existant sur un domaine) intitulée «Agents de contrôle des émeutes : pharmacologie, biochimie et chimie», s’est penchée sur la formation de cyanure à partir de CS chez l’homme :

«La formation de cyanure d’hydrogène à partir de CS a été le sujet de plusieurs études chez l’animal et chez l’humain. […] Des études visant à déterminer la quantité de cyanure produite, mesurée par le taux de thiocyanate dans le sang, chez des humains exposés au CS ont été conduites. Les résultats de ces études trouvent des niveaux de thiocyanate plasmiques négligeables». En clair, la métabolisation du CS peut créer du cyanure mais en très petite quantité.

En 2013, le scientifique néo-zélandais Léo Schep publie un article sur le mécanisme d’action des gaz lacrymogènes. Il y écrit que «des niveaux minimums de cyanure et thiocyanate peuvent apparaître dans les urines après une exposition orale ou par intraveineuse au CS». Il ajoute que «dans des circonstances normales, on ne pense pas que suffisamment de cyanure soit libéré pour causer des effets systémiques».

CheckNews l’a contacté pour mettre à jour et préciser son propos : «Le cyanure ne contribue pas à la toxicité du CS, il s’agit d’un sous-produit très mineur issu du métabolisme du CS par le corps».

Enfin, un article plus récent (2016) sur le mécanisme d’action des gaz lacrymogènes ne parle pas du tout d’effet lié au cyanure. Son auteur, Sven-Eric Jordt, affirme à CheckNews qu’«il n’y a pas de preuve d’une intoxication au cyanure due aux gaz lacrymogènes».

Notons enfin que la question du cyanure n’est évoquée ni par le site Désarmons-les, un collectif «contre les violences d’État» dans son article de 2018 (Ce qu’il faut savoir sur les lacrymo) ni par la Coordination des premiers secours (qui regroupe les street medics) dans son article de 2019 Le gaz lacrymogène, ses effets et comment s’en protéger.

Des victimes dues à une surexposition ?

La dangerosité des gaz lacrymogènes est avérée sans aller chercher une intervention du cyanure. Les effets du CS vont du picotement dans les yeux et la gorge à faible concentration et en cas d’exposition courte au risque mortel (très rare) en cas de forte concentration dans un milieu confiné sans possibilité de fuite. Les victimes auxquelles CheckNews a pu parler dans le cadre de cette enquête évoquent des symptômes qui persistent plusieurs semaines. Elles ont été exposées toutes les semaines aux gaz et parfois pendant plusieurs minutes sans pouvoir sortir du nuage. Des conditions qui s’éloignent des circonstances habituelles.

Mediapart a récolté plusieurs témoignages faisant état «de problèmes de santé liés à l’utilisation massive et répétée du gaz lacrymogène». En effet, le nombre de munitions tirées et la récurrence des mouvements toutes les semaines amènent les manifestants dans des niveaux d’expositions élevés et aux conséquences peu documentées.

«D’éventuelles conséquences à long terme des expositions au gaz lacrymogènes peuvent être envisagées, en particulier au niveau respiratoire (broncho-pneumopathies chroniques obstructives…) dans le cas d’expositions importantes et répétées, mais elles sont relativement peu documentées dans la littérature (souvent lors d’expositions professionnelles d’ailleurs)», explique Jean-Marc Sapori.

Dans son guide toxicologique publié en 2003, l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), note que «La toux et la dégradation de la fonction respiratoire engendrées par une exposition au CS peuvent se prolonger pendant plusieurs mois. […] Toutefois, ces effets s’observent généralement lorsque les individus ont été exposés au CS de manière prolongée dans un espace confiné ou lorsqu’ils souffrent d’une maladie pulmonaire préexistante» (en page 176).

Lire aussi : LA CONVENTION SUR L’INTERDICTION DES ARMES CHIMIQUES INTERDIT-ELLE LE GAZ LACRYMOGÈNE?

Une enquête de suivi nécessaire

Trois articles scientifiques de 20172014 et 2015 soulignent les potentiels effets «sérieux» du gaz CS sur la santé humaine (sans parler de cyanure) et le manque de données de qualité sur le sujet. Les chercheurs pointent du doigt les limites des données existantes sur les effets des gaz lacrymogènes et appellent à plus de recherches sur le sujet.

Interrogé par CheckNews, Sven-Eric Jordt, chercheur à la Duke University School of Medicine, regrette «l’écart entre la hausse de l’utilisation des gaz lacrymogènes par les gouvernements et la faiblesse des recherches sur leurs effets». Il aimerait voir menées «des études de suivi».

Jean-Marc Sapori plaide aussi pour un suivi du sujet, eu égard au caractère inédit du mouvement des gilets jaunes : «Nous sommes face à un cas atypique d’exposition répétée sur de nombreuses semaines aux gaz lacrymogènes qui mériterait une enquête épidémiologique sérieuse afin de mieux décrire les conséquences sanitaires de cette exposition chronique».

Une situation exceptionnelle décrite par la coordination premier secours qui parle de manifestants se trouvant «soudain noyés dans le gaz lacrymo, avec plus d’une cinquantaine de palets fumant en même temps». Des conditions aggravéespar les «techniques dites «de nasse» où les manifestants (et de malheureux passants) se trouvent pris au piège, sans aucune échappatoire, dans un air irrespirable». Dans de telles situations, les victimes de ces gaz «sont pliées en deux, cherchant de l’air contre les murs des bâtiments, voire prostrées au sol, apeurées, aveuglées, incapables de reprendre leur respiration».

Si vous souhaitez signaler des cas de séquelles durables en raison de l’exposition aux gaz lacrymogènes, la rédaction de Checknews est joignable par mail sur checknews@libe.fr ou sur twitter: @CheckNewsfr.

Cordialement